« Il vous souviendra que le dossier dit charbon fin a été appelé pour la première fois à l’audience, le 07 août 2019 puis renvoyé à la première audience du pôle économique et financier (ECOFI) d’octobre 2019. Suite à cette audience, la société IAMGOLD ESSAKANE SA a demandé une expertise judiciaire qui a été ordonnée par le tribunal lequel a commis deux experts à cette mission, le 05 mai 2020. Initialement, les analyses de laboratoire devraient être effectuées dans le laboratoire français CRISMAT de l’Ecole Nationale Supérieure d’ingénieurs de Caen (ENSICAEN) suivant le jugement de commission d’experts.
A l’épreuve, les experts ont constaté que le laboratoire précité, qui est un laboratoire de recherche, ne pouvait pas faire les analyses en temps raisonnable des plus de deux mille (2000) échantillons. Le 16 février 2021, à leur demande, le tribunal, autorisait les experts à recourir à tout laboratoire dans le cadre de leur mission. C’est ainsi que les analyses ont été finalement faites dans un laboratoire implanté au Ghana sous la supervision du juge commis à cette tâche. Les analyses de laboratoire sont enfin terminées et le rapport d’expertise, en cours de finalisation devrait être déposé dans les prochains jours. Le dossier sera dès lors enrôlé en vue du jugement.
Je suis conscient de ce qu’il y a beaucoup d’attentes relatives à ce dossier au regard de certaines insinuations qui sont souvent faites surtout sur les réseaux sociaux concernant la suite qui lui aurait été réservée. La seule explication à donner sur le temps mis par la procédure est la contrainte liée à la commission d’une équipe d’experts, la désignation du laboratoire adéquat, le temps nécessaire à l’analyse des échantillons selon le protocole indiqué ; le dossier ne pouvant être jugé sans le rapport d’expertise y relatif. Je tiens à rassurer l’opinion publique que le dossier charbon fin à l’instar de tous les autres dossiers dont mon parquet s’est saisi ou a été saisi est traité suivant la rigueur procédurale appropriée.
Le parquet du pôle judiciaire spécialisé en matière économique et financière travaille avec les autres compartiments (juges d’instruction et formations de jugement) du Tribunal de Grande Instance Ouaga 1 dédiés à cette tâche, afin d’apporter une réponse efficace à la criminalité économique et financière.
Ainsi, pour le compte de l’année 2021, vingt-trois (23) dossiers ont été jugés par le pôle. Ils sont pour l’essentiel, relatifs aux infractions suivantes : Fraude fiscale et douanière, escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux en écriture, corruption et infractions assimilées, contrebande, fraude en matière de commercialisation de l’or, trafic illicite de devises, et diverses autres infractions qui sont identifiées comme étant les principales menaces de blanchiment de capitaux dans notre pays.
Vingt-quatre (24) autres dossiers en lien avec ces principales menaces ci-dessus citées sont en instance de jugement. Ces dossiers ne manquent pas d’intérêt pour les partenaires institutionnels que sont la Direction Générale des Impôts (DGI), la Direction Générale des Douanes (DGD), la Brigade Nationale Anti-fraude de l’or (BNAF), l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de lutte contre la Corruption (ASCE/LC), l’Agence Judicaire de l’Etat (AJE) avec lesquels nous entretenons des liens étroits. Il n’y a pas de doute que la réduction du risque de commission de crimes économiques et financiers…est tributaire de l’efficacité de la réponse pénale face aux infractions. Or il est à relever que le pôle judiciaire spécialisé chargé de l’enquête, de la poursuite, de l’instruction et de jugement des infractions économiques et financières du Tribunal de Grande Instance Ouaga 1 est confronté à un certain nombre de difficultés qui handicapent son action.
La première difficulté part d’un constat : Les affaires qui passent devant la chambre de jugement du pôle se caractérisent par leur grande complexité et mettent en jeu d’importants intérêts financiers de telle sorte que les débats s’étalent nécessairement sur plusieurs jours d’audiences d’affilé. Cependant, il n’est tenu pratiquement que deux jours d’audience du pôle par mois. Cela ne permet pas de juger un grand nombre de dossiers malgré la bonne volonté des acteurs.
La solution à cette difficulté se trouve d’une part dans l’organisation des audiences sous forme de session comme cela se fait en matière criminelle et d’autre part dans le renforcement conséquent en personnel car la juridiction en manque cruellement. A titre d’exemple elle ne dispose que de deux juges d’instruction et son parquet, de trois substituts.
Par ailleurs, pour mener à bien les investigations complexes afin d’aboutir aux jugements des dossiers, mon parquet ainsi que les autres compartiments du pôles (instruction et jugement) sont confrontés entre autres à la problématique de la prise en charge des experts auxquels il est souvent fait recours, à l’absence de moyens logistiques pour les transports judicaires, à la prise en charge des témoins et interprètes.
De plus, en l’absence d’une unité de police judiciaire exclusivement dédiée au pôle, il est fait recours à certaines unités et sous unités de la Police Nationale et de la Gendarmerie Nationale qui manquent aussi de ressources alors que le parquet n’est pas en mesure de les soutenir financièrement. Cette situation affecte la célérité et la qualité des procédures. C’est le lieu de saluer la bonne collaboration avec l’ASCE/LC qui est sollicitée de manière pragmatique pour prendre en charge certaines expertises ainsi que des transports judiciaires dans la mesure de ses capacités.
Malgré cette liste non exhaustive d’entraves susceptibles d’être atténuées par une volonté politique, je reste engagé avec les membres de mon parquet et de la police judiciaire de mon ressort avec l’appui de mes collaborateurs magistrats, à ce que toutes infractions identifiées soient poursuivies sans complaisance et audiencées en temps opportun dans la stricte observance des procédures avec pour seule boussole, l’intérêt de la société. »
Le procureur du Faso
YODA Harouna