Après plusieurs ergotages frisant la fuite en avant sans vouloir le consensus, le gouvernement du Burkina Faso dans sa délibération du conseil des ministres du 14 Juillet 2018 a soumis à l’Assemblée nationale le projet de loi portant modification de la loi n°014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant Code électoral. Dans son exposé des motifs, le gouvernement a mentionné délibérément et de manière inacceptée et inconcevable que « les concertations ainsi menées avec toutes les parties prenantes ont permis de dégager un consensus pour une révision technique du code électoral ». Il faut souligner que suite à trois rencontres d’échanges entre le chef de l’Etat, sous sa propre initiative, et la délégation du chef de file de l’opposition dont la NAFA faisait partie, aucun consensus n’a été trouvé sur l’avant projet de modification du code électoral. La NAFA, fidèle au principe de la république, estime grave un tel comportement de la part d’un gouvernement, invite par conséquent le peuple Burkinabè à en tirer les conséquences nécessaires.
La session extraordinaire de l’Assemblée Nationale entament les débats au fond sur les articles 48 à 54, 59 , 60, 68, et 72, constitue un recul par rapport aux dispositions précédentes, qui avaient reçu un consensus au niveau de la classe politique.
Les dispositions actuelles de la loi en vigueur permettent aux burkinabè de l’étranger de s’enrôler pour une élection (référendaire ou présidentielle) en utilisant la carte nationale d’identité burkinabè (CNIB), la carte consulaire ou le passeport. Le projet de loi modificative tout en supprimant la Carte d’électeur supprime la Carte consulaire pour ne reconnaitre que la CNIB et le passeport comme documents d’identité et de vote pour tout Burkinabè vivant tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger.
Selon les bases de données du ministère des affaires étrangères et de l’ambassade du Burkina Faso en Côte d’Ivoire, il y a plus de 980 000 burkinabè vivants dans ce pays qui possèdent la carte consulaire Biométrique.
La carte biométrique, rappelons-le, repose sur les caractéristiques biologiques d’une personne offrant une preuve irréfutable de son identité et délivrée sur la base des pièces administratives légales.
Cela a été d’ailleurs confirmé par l’ambassadeur du Burkina Faso en Côte d’ivoire, le Dr Mahamadou ZONGO qui a affirmé le vendredi 20 octobre 2017 à Abidjan devant les consuls généraux et le Consul honoraire que « la carte consulaire burkinabè est une carte d’identité biométrique, fiable et sécurisée ».
L’Ambassadeur a indiqué que des correspondances ont été adressées aux autorités ivoiriennes en vue de les informer avec des preuves à l’appui que la carte consulaire burkinabè est bel et bien une carte d’identité biométrique. Mieux, c’est le même opérateur, la société SNEDAI, qui établit également les passeports biométriques ivoiriens. De plus la carte subventionnée est payée à 7500 F, soit environ trois fois plus que la CNIB après des parcours du combattant à l’intérieur de la Côte d’Ivoire.
Les autorités étrangères y compris celles de la Côte d’Ivoire reconnaissent la carte consulaire biométrique ou le passeport mais pas la CNIB. Le refus des autorités burkinabé actuelles de reconnaître la carte consulaire biométrique est injuste d’autant plus qu’il est mentionné au verso que « cette carte tient lieu de carte nationale d’identité ». Ce refus expose la diaspora détentrice de cette pièce aux exactions des forces de sécurité, notamment policières aux frontières et à l’intérieur des pays hôtes. Pour se procurer la CNIB (obsolète à l’étranger), les burkinabè de l’étranger devront en effet rentrer au pays munis de leur Certificat de Nationalité Burkinabè. Outre le coût du passeport déjà inaccessible, il est évident que peu de burkinabè intramurus ou extramuros, possèdent la CNIB.
Le projet de loi est une vraie loi d’exclusion ayant pour but de faire semblant, de faire participer les burkinabè de l’étranger aux élections mais pas de les faire véritablement voter afin de s’exprimer sur la vie de la nation conformément à la loi en vigueur.
Ce qui nous paraît plus incongru, c’est que autant on la supprime à l’article 53 du projet, autant on la maintient en dispositions transitoires jusqu’en 2021 pour ceux qui la possèdent déjà. Cela va créer de la cacophonie, source de fraudes immenses aux prochaines élections présidentielles car plusieurs pièces serviront pour le vote sans authentification du bureau de vote.
Par ce communiqué, la NAFA dénonce vigoureusement la violation des lois supranationales et nationales suivantes par ce projet de loi :
-la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG) en son article 39 « les états parties assurent la promotion d’une culture de respect du compromis, du consensus et de la tolérance comme moyens de régler les conflits, de promouvoir la stabilité et la sécurité politiques et d’encourager le travail et la créativité des populations africaines pour le développement ».
-le protocole a/sp1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. Extrait de l’art. 4 : « Les Etats membres coopéreront dans ce domaine aux fins d’échange d’expériences et au besoin d’assistance technique, pour la production de listes électorales fiables ». Extrait de l’art. 5 : « Les listes électorales seront établies de manière transparente et fiable avec la participation des partis politiques et des électeurs qui peuvent les consulter en tant que de besoin ».
– le code électoral du Burkina Faso sur les attributions de la CENI. Extrait de l’art.14 «pendant les périodes pré-électorales, elle est chargée de toutes les opérations préparatoires préalables aux consultations électorales, notamment de tenir à jour et de conserver le fichier électoral national ainsi que les documents et matériels électoraux, de réviser les listes électorales, d’établir et de distribuer les cartes d’électeurs. Extrait de l’art 17 «hors du territoire national, la CENI prend les dispositions nécessaires pour l’organisation des scrutins référendaires et présidentiels dans les ambassades et consulats généraux du Burkina Faso.
Ce qui est plus grave d’ailleurs, c’est que le projet de loi veut subtilement remplacer la CENI par l’Office national d’identification; qui est un établissement public de l’état sous la tutelle technique du gouvernement, donc du MPP. Cela est malencontreusement confirmé par le nouvel article 53 qui stipule que « Il est délivré à l’électeur un document tenant lieu de récépissé identifiant son bureau de vote ». Ce récépissé est-il équivalent à la carte d’électeur ou il la remplace?
La NAFA attire l’attention de l’opinion publique nationale et internationale sur sa désapprobation sur ce projet de loi et invite tous les patriotes à utiliser tous les moyens légaux pour le respect de la démocratie et des droits acquis. En outre, la NAFA invite pour la nème fois le chef de l’Etat Mr Rock Marc Christian KABORE, garant constitutionnel de l’Unité Nationale à mettre tout en œuvre pour garantir l’intérêt supérieur de la nation et assurer son rôle de garant de la cohésion sociale et du respect des accords et des traités ratifiés par le Burkina Faso.
SECRETARIAT EXECUTIF DE LA NAFA