Le Premier ministre Paul Kaba THIEBA a rencontré l’Unité d’Action Syndicale du Burkina le mardi 18 octobre 2016 à Ouagadougou. Il a invité les organisations syndicales à privilégier le dialogue social dans la recherche de solution aux préoccupations des travailleurs. Nous vous proposons l’allocution du Chef du gouvernement à cette occasion.
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Messieurs les Secrétaires généraux des centrales syndicales,
Messieurs les secrétaires généraux des syndicats autonomes,
Je voudrais avant tout propos vous souhaiter la bienvenue et vous remercier pour votre présence effective qui traduit tout l’intérêt que vous portez à la vie de la nation et à l’action gouvernementale :
La présente rencontre est la deuxième du genre, après celle tenue le 23 février dernier, aux lendemains de la mise en place du Gouvernement, au cours de laquelle je vous ai décliné notre vision en matière de politique économique et sociale, ainsi que pour le dialogue social.
Elle participe du principe de la concertation permanente, à chaque fois que l’intérêt national le commande. Il se trouve que notre pays se situe à un carrefour important de son histoire marqué par :
- la consolidation de la démocratie ;
- la quête de la justice ;
- la mise en œuvre de la politique économique et sociale du Gouvernement suite à l’adoption du PNDES ;
- les mouvements sociaux et la nécessaire prééminence du dialogue social.
En ce qui concerne la consolidation de la démocratie, après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et la tenue avec brillot des élections présidentielles, législatives et municipales, notre pays a désormais inscrit en lettres d’or sa démocratie dans le concert des nations ; cependant, la démocratie étant une quête permanente, il importe par tous les moyens d’en conserver les acquis et de les renforcer.
Pour le Gouvernement, et en phase avec les engagements politiques du Chef de l’Etat, la consolidation de la démocratie passe par la mise en place judicieuse de la constitution de la Ve République dont le processus a été enclenché avec l’installation le 29 septembre dernier de la commission constitutionnelle par le Président du Faso. En tant que citoyens burkinabè et membres de la société civile active, c’est tout naturellement que le Gouvernement invite les syndicats à s’impliquer dans les débats y relatifs, dans les cadres appropriés.
Quant à la justice, elle reste encore l’une des exigences fortes de notre société qui attend que les nombreux dossiers pendants trouvent enfin leur dénouement. Le Gouvernement tient au respect scrupuleux de l’indépendance de la justice qui, au-delà de sa nécessaire indépendance vis-à-vis des deux autres pouvoirs constitutionnels, exécutif et législatif, implique que le juge se démarque de toute autre forme de pression susceptible d’empiéter sur son équité.
Pour sa part, le Gouvernement a déjà initié de nouveaux textes, tant au niveau législatif que règlementaire, pour renforcer et accélérer le dispositif judiciaire, notamment en matière de répression des actes de crimes économiques et de corruption. Nous espérons tous que l’institution judiciaire nantie de son indépendance fera de son mieux pour rendre la justice vraie tant souhaitée, et avec la célérité requise.
En matière de politique économique et social, le Gouvernement a adopté en juillet dernier le Plan national de développement économique et social (PNDES) fondé sur un processus participatif et inclusif, qui est le cadre d’orientation du développement sur la période 2016/2020 et dont les assises reposent sur le programme présidentiel, l’agenda Burkina 2025 et les objectifs internationaux pour le développement durable (ODD).
D’un cout global évalué à 15 395,4 milliards CFA dont 8408,2 milliards d’investissements productifs et structurants, ce plan se fixe pour objectifs fondamentaux :
- l’amélioration de la gouvernance et la réduction des inégalités ;
- l’accroissement de la performance de l’économie devant se traduire par une croissance moyenne de 7,7% et la création de 50 000 emplois productifs par an ;
- la réduction significative de l’incidence de la pauvreté de 40,2% en 2014 à moins de 35% en 2020.
A travers la mise en œuvre de ce plan, le Gouvernement veut remettre tous les burkinabè au travail, recréer la confiance en eux-mêmes, cultiver la conscience que seul le travail libère et dans une gouvernance vertueuse. Il veut mettre à contribution, sur la base d’un dialogue multi-acteurs, tous les actifs des secteurs publics et privés, de la société civile, les burkinabè de l’étranger, dans une ambition unique et salutaire, la renaissance de notre pays et son repositionnement sur l’échiquier international.
En adéquation avec le PNDES, le Gouvernement a proposé à l’examen du Parlement un projet de budget 2017 ambitieux et innovant, se chiffrant en recettes et dépenses à environ 2400 milliards de francs CFA. Ce budget, s’il est adopté, et pour la première fois de notre histoire, consacre plus de 52% des ressources aux investissements afin de renforcer les assises de l’économie, créer de la richesse, créer des emplois dans tous les segments de l’économie et distribuer des revenus. On ne le dira jamais assez, nous devons quitter la logique des budgets moribonds, sans ambition et sans élan, essentiellement consacrés à payer les charges de l’Etat, comme je vous l’avais largement expliqué lors de notre précédente rencontre.
De manière particulière, des mesures sont envisagées en matière de création d’emplois pour la jeunesse et les femmes, lesquelles combinent judicieusement des actions immédiates à celles à moyen et long termes (chantiers HIMO, initiatives d’auto-emploi, projets structurants, …). La résolution de la question prioritaire de l’emploi passe aussi par de nouvelles réformes du système éducatif régulièrement décrié pour son inadéquation avec la production.
En matière de dialogue social, le Gouvernement, a dès ses débuts, affiché son entière disposition pour un dialogue fécond avec les partenaires sociaux (syndicats et patronat) qu’il a du reste régulièrement entretenu et cultivé à tous les niveaux, que ce soit au niveau des ministres ou quand il le faut à mon propre niveau.
Afin de matérialiser sa volonté d’entretenir un climat sein de dialogue et dans la confiance, le Gouvernement a œuvré d’arrache-pied à la mise en œuvre conséquente des engagements pris avec les syndicats à travers le protocole d’accord de septembre 2015.
A ce sujet, le point fait par les services de suivi indique que lesdits engagements ont été en majorité exécutés et au nombre desquels on peut citer, l’application de la loi 081 pour laquelle des moyens colossaux ont été mobilisés. Ainsi, sur 137 291 agents de l’Etat concernés par les reversements, les dossiers de 118 925 ont été traités à fin septembre dernier, 104 759 d’entre eux ayant déjà constaté l’incidence financière sur leurs traitements mensuels. Dans les seuls mois d’aout et septembre 2016, l’Etat a déboursé 14,247 milliards additionnels pour faire face à cette incidence. L’opération se poursuit et devrait être terminée en fin novembre 2016.
S’agissant des mesures spécifiques pour faire baisser les prix et lutter contre la vie chère, une baisse significative de 50 FCFA sur le litre a été opérée en mai 2016 sur les prix des hydrocarbures, en plus de celle qu’avait déjà décidée le Gouvernement de la transition. Les prix des autres produits sensibles font l’objet d’une surveillance régulière et les investigations se poursuivent pour prospecter toute possibilité de réduction.
Mesdames et Messieurs les représentants du monde syndical,
Dans le cadre de la poursuite et de l’approfondissement du dialogue social, j’ai le plaisir de vous annoncer deux échéances importantes dans ce dernier trimestre de l’année 2016.
La première porte sur la mise en place très prochaine, avec l’accord des partenaires et l’appui de l’OIT, d’un cadre permanent de dialogue social dans notre pays. Un atelier national est convoqué à cet effet, le 19 octobre 2016 à l’effet d’examiner les modalités d’organisation de ce nouveau cadre tripartite. Le Président du Faso attache du prix à la mise en place de cet instrument de qui il attend des résultats probants en matière de solutionnement des nombreuses questions et préoccupations des partenaires sociaux, patronat et travailleurs.
La deuxième a trait à la tenue, dans le mois de décembre 2016, de la traditionnelle rencontre Gouvernement-syndicats autour de votre cahier de doléances du 1er mai. D’ores et déjà, nos différents services s’activent à la préparation de cette importante échéance et je vous invite également à vous y atteler.
Mesdames et Messieurs,
En dépit de tous ces efforts du Gouvernement pour faire face à ses responsabilités, ces dernières semaines ont été marquées par des mouvements déclenchés par des syndicats sous des formes multiples et qui ont mis à mal le climat social.
Certaines des plateformes revendicatives ne tiennent pas compte des possibilités réelles de l’Etat et de la situation actuelle du pays encore marquée par la fragilité suite aux périodes de turbulences successives.
Le Gouvernement ne méconnaît pas l’existence de conditions de vie difficiles de nombre de nos travailleurs aussi bien dans le secteur public que dans le privé. Cependant, l’existence ou la persistance de ces problèmes doivent être appréhendées de manière objective comme étant la résultante conjuguée de la mal gouvernance de ces longues années écoulées du régime défunt et des turbulences politiques intervenues ces dernières années qui ont sévèrement ralenti les investissements, le commerce, le tourisme et même l’activité des services.
Il n’est donc pas juste que des voix tendent à imputer cette responsabilité à un Gouvernement de moins d’un an d’activité, qui a trouvé à son arrivée très peu de ressources dans les caisses de l’Etat et qui, en plus, devait s’attaquer dès ses premiers jours à des défis sécuritaires graves.
Oui, le Gouvernement s’est engagé à affronter tous ces maux inhérents à la pauvreté ambiante et qui sont le vécu de bon nombre de concitoyens. C’est pourquoi déjà, il a fait l’impossible pour donner suite aux engagements pris par la transition au nom de la continuité de l’Etat (loi 081 notamment) et à certaines revendications de vos syndicats, en dépit des mauvais indicateurs de gestion comme le ratio masse salariale sur ressources propres qui avoisine les 47% au lieu des 35% prescrits par l’UEMOA. Il reste cependant évident que les solutions de fond ne seront pas trouvées par un coup de baguette magique. Aucun Gouvernement dans le monde n’a trouvé des solutions efficaces dans des délais aussi réduits et dans des conditions semblables aux nôtres.
Aussi, je voudrais-je vous lancer un appel pressant, afin que nous puissions de concert œuvrer à créer les conditions nécessaires à la relance économique et à la paix sociale, seules voies idoines pour l’épanouissement de notre peuple en général et des travailleurs en particulier. Nous devons éviter que par des erreurs d’appréciation et des écarts de comportement, notre pays et sa jeunesse ne soient condamnés à l’échec et à une déchéance durable.
Le Gouvernement poursuivra le dialogue social comme indiqué plus haut, s’attaquera aux questions prioritaires dans le respect de l’équilibre national, dans l’objectivité, dans la paix et la concorde. Aussi, prend-il acte de toutes les sollicitations des partenaires sociaux mais souhaite qu’elles soient reversées à la prochaine rencontre Gouvernement/Syndicats afin de promouvoir leur examen dans la sérénité et la cohérence d’ensemble de toutes les questions du monde du travail.
Je vous remercie.
Ouagadougou, le 18 octobre 2016