La décennie 1990-2000 a été marquée par un rayonnement remarquable de la culture burkinabè et a vu une floraison d’initiatives culturelles qui ont boosté le développement artistique et culturel dans les aires géoculturelles de notre pays. Dans cette veine, plusieurs équipements muséaux ou se considérant comme tels ont vu le jour par le fait de promoteurs privés et/ou des collectivités locales.
Cet engouement social pour la création de ces équipements culturels nécéssite que l’on marque un arrêt afin de s’interroger sur les raisons de cet intérêt grandissant pour le musée et le rôle réel de cette institution pour le déveloopement de la société. Effet de mode ou réel besoin de contribution à la sauvegarde du patrimoine culturel ? « That is the question ! »
Qu’est ce qu’un musée ?
Selon le Conseil International des Musées (ICOM), « Le musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation. » De cette définition du musée, trassudent ses missions d’étude, d’exposition et de transmission d’un patrimoine pour le développement de la société.
L’origine du Musée
Au commencement, était le «Mouséion», un temple dédié aux Muses, ces filles de Mnémosyne et de Zeus qui présidaient aux arts. Le Mouséion était bâti sur la colline d’Helion à Athènes. Au IIIème siècle avant Jésus Christ, Ptolémé de Soter, roi d’Egypte, crée un Mouséion (ensemble de bâtiments où était réunie une communauté de savants) au cœur de son palais d’Alexandrie. C’est au XVème siècle que le mot reapparut sous sa forme latine « Museum » et italienne « Museo » pour désigner une collection, un ensemble d’objets de nature artistique et culturelle. Le mot « Musée » employé pour désigner le lieu où sont conservés des collections d’objets artistiques, scientifiques pittoresques ne sera fixé qu’au XVIIIème siècle.
Musée en Occident et en Afrique : deux perceptions différentes !
Dans les colonies françaises, anglaises ou portugaises en Afrique, les premiers musées ont vu le jour autour des années 40. Le discours de ces musées était principalement orienté vers les populations métropolitaines appelées à diriger la région et visait à faire connaître les principales facettes de la vie culturelle de la région. Toute chose qui devait orienter les collectes.
Seulement ces collectes ont été empreintes d’un parti pris qui a été et reste quelque peu préjudiciable à la vision du patrimoine africain et au développement de l’institution muséale en Afrique. En ne s’intéressant qu’à la seule valeur esthétique de l’objet donc aux objets considerés comme objets d’art, le musée colonial a laissé, selon les termes de Idriss Mariko, « dans l’ombre les temoignages de l’evolution de l’esprit inventif de l’homme africain: le musée ne s’est interessé qu’a l’ethnographie au detriment des sciences et techniques, de l’histoire », in « Quel musée pourl’Afrique? » Bulletin PrioritéAfrique, 1991, p. 21
Aujourd’hui, malheureusement, de nombreux musées africains, nonobstant les décennies d’indépendance sont encore tributaires de cette situation dont ils arrivent péniblement à s’en défaire. D’où la dominance des musées dits ethnographiques.
Les musées africains aujourd’hui
Le XXème siècle a été marqué par des transformations progressives dans les différents secteurs de la vie socioéconomique des Etats, qui ont plongé le monde dans une crise sans précédent. Le secteur culturel en général et celui des musées en particulier a pâti et souffre encore du manque de moyens et/ou leur réduction drastique, impactant négativement sur la conduite des activités des musées qui, en majorité, fonctionnent grâce à des subventions, notamment celles de l’Etat.
Le musée dans le contexte africain a longtemps été en butte à moults difficultés. Aux inventaires incomplets et/ou inexistants, se greffent, entre autres, le manque de moyens financiers et la desuétude des expositions. Le cadre juridique et reglementaire s’est peu ou prou adapté aux différents contextes.
Desertés par les populations locales pour lesquelles et par lesquelles ils doivent leur raison d’être, les musées semblent être des institutions extraverties, uniquement destinées à un public exogène, notamment occidental. L’absence de politiques nationales de développement de ce type d’équipement renforce leur fonctionnement en apnée et la demotivation de plus en plus patente des professionnels.
Le musée, un outil de développement à promouvoir
La création des musées suscite de plus en plus un engoument manifeste des populations, signe de l’émergence dans l’appréhension de son rôle social.
Il y’a plusieurs types de musées aujourd’hui dont l’objet touche à différents domaines de la vie sociale. A Houston aux Etats Unis d‘Amérique, il y’a un Musée national de l’Histoire des funérailles, en France, un Musée de la coutellerie, en Inde, un Musée international des toilettes à New Delhi, des musées de musique au Burkina Faso.
Le besoin en patrimoine est patent et indiscutable. L’éducation, l’ouverture vers les autres ont favorisé une nouvelle vision du musée auprès d’une couche de la population plus instruite de son importance dans la définition de la quintessence et de l’identité culturelle d’un groupe humain donné. Le musée n’est plus le « mouroir de biens culturels, un cimetière d’objets, un autre instrument d’aliénationculturelle » qu’évoquait avec une colère non feinte Alpha Omar KONARE (in « De la réquisition & la commercialisation « . In: Hommage à Hubert Landais. Paris, 1987. p.24.
Véritable marqueur culturel, le Musée, dans le contexte africain, est vu, plus que jamais, comme la vitrine de la richesse patrimoniale d’un pays et joue indéniablement un rôle central dans l’œuvre de préservation et de sauvegarde du patrimoine culturel. Véritable outil au service du développement, le Musée est le cadre par excellence de célébration de la diversité des expressions culturelles et de construction d’un dialogue fécond entre les communautés. C’est le cadre du donner et du recevoir où l’altérité est compriseet conjuguée au temps de la tolérance et de la compréhension de l’autre.
Inévitablement et pour que les musées jouent pleinement leur rôle de creuset du dialogue culturel, il est impérieux que les Etats africains définissent une véritable politique muséale en dotant les musées de moyens conséquents afin qu’ils puissent remplir de façon optimale leurs missions d’utilité publique. L’indigence dans laquelle pataugent de nombreux musées émousse les élans et érode les volontés les plus farouches. Les Professionnels africains de musée doivent éviter les sables mouvants de l’attentisme et de l’immobilisme en faisant aussi preuve d’ingéniosité et de créativité. C’est seulement à ce prix qu’ils participeront activement au rayonnement réel de l’équipement qu’ils ont la noble mission d’animer afin que dans la facilitation de la connaissance et l’acceptation de l’autre, ils contribuent à la réalisation d’une véritable symbiose des cultures où le vivre ensemble doit se conjuguer indéfiniment au présent.
Ministère de la culture et des arts