Pendant son séjour en France, Michel Kafando a rencontré les autorités françaises pour faire le tour d’horizon du processus de transition qu’il conduit. Dans la matinée du 4 juin, nous l’avons rencontré dans sa résidence, à la Celles Saint Cloud, à l’ouest de Paris. Qu’est-ce que les deux présidents se sont dit lors du tête-à-tête le 2 juin à l’Elysée ? Le Burkina pourra-t-il tenir le pari d’organiser les élections le 11 octobre, alors que le budget n’est pas bouclé ? Le Burkina Faso n’est-il pas défavorisé dans l’accord sur l’immigration qu’il a signé avec la France ? Michel Kafando répond.

Michel pfSur l’importance de la visite en France pour le processus de transition
Je voudrais dire toute la satisfaction que je ressens de cette visite à Paris. Sur le plan du programme de la transition, nous avons reçu de la part du président français, des félicitations et des encouragements à aller de l’avant, et faire en sorte que les élections que nous projetons pour Octobre puissent être menées dans de très bonnes conditions de façon à ce que l’exemple du Burkina serve, non seulement dans la sous-région , mais de façon générale en Afrique .
Avec le président Hollande, nous avons fait le tour d’horizon de la transition. Je lui ai exposé tout le processus qui est en cours, notamment la question de la justice, pour laquelle nous avons initié les états généraux sanctionnés par le pacte final adopté par bon nombre de formations politiques et d’organisations de la société civile. Le président français a marqué véritablement une appréciation sur cette question fondamentale, parce qu’on ne peut pas avancer dans un processus comme le nôtre, si on n’évacue pas certains problèmes qui sont ceux de la société actuelle, c’est-à-dire la justice.
Naturellement j’ai abordé la question du vote, du processus électoral. Je lui ai fait savoir que nous sommes pratiquement en droite ligne vers les élections. Nous avons déjà fixé le chronogramme, nous avons également clôturé l’enrôlement biométrique complémentaire pour lequel nous avons engrangé près de 800 000 nouveaux inscrits.
Mais la question qui se pose, c’est le financement. Ce n’est pas avec beaucoup d’acuité, nous avions déjà réservé 26 milliards pour les besoins du vote et beaucoup de contributeurs aussi bien sur le plan bilatéral que multilatéral ont déjà versé des contributions. Il nous reste quelques milliards à engranger, mais je pense que nous réussirons à les avoir, parce que nous avons des promesses de la part de la CEDEAO, de l’Union africaine et bien d’autres organismes.
Nous avons aussi abordé les questions sécuritaires dans la sous-région. Il y a Boko Haram qui continue de défier les gouvernements. Il y a le terrorisme dans le nord du Mali, malgré la signature de l’accord pour la réconciliation et la paix, nous voyons que les terroristes et les rebelles continuent leurs actions. Nous sommes tombés d’accord qu’il faut arriver à ébaucher une stratégie collective avec l’Europe qui est aussi concernée. Je lui ai fait comprendre que nous attendons cette réunion entre la CEDEAO et la CEMAC qui aura pour objectif de concilier les efforts, d’ébaucher une stratégie commune pour affronter le terrorisme et lutter radicalement contre tout ce qui pourrait déstabiliser les pays de la sous-région.
Ce sont les préoccupations essentielles que j’ai exposées au président François Hollande. Naturellement, je lui ai demandé de continuer à nous aider, ce qu’il a promis de faire. Nous aurons toujours besoin de l’appui de nos amis, de ceux qui comprennent le sens du changement intervenu au Burkina Faso, pour relever le défi d’organiser les élections libres et transparentes à partir du 11 octobre 2015.
De sa rencontre avec le président de l’assemblée nationale française…
C’était juste une rencontre pour recevoir le soutien des élus français à la transition comme le président l’a fait. Etant donné que c’est une assemblée nationale, nous avons parlé du code électoral. Je me suis évertué à expliquer au président et aux membres de l’assemblée qui étaient là, les raisons du vote de ce code électoral. Je pense que je me suis fait comprendre. Il ya eu d’autres questions surtout de sécurité que nous avons abordées.
Sur le reste des fonds à mobiliser pour l’organisation des élections à bonne date.
Moi je suis optimiste, je le suis par principe, mais je le suis en ce qui concerne l’organisation des élections. Je ne peux pas le dire avec beaucoup de précisions, parce que c’est du domaine de la CENI, mais avec ce que nous avons déjà engrangé comme contribution aux élections, nous sommes autorisés à penser qu’il n’y aura pas de problèmes de financement, ce qui est le grand problème pour les élections. On a pratiquement balisé tout le processus, il ne reste plus qu’à acquérir la logistique, tout ce qui est nécessaire pour organiser une élection. Naturellement de l’autre côté, il faut que les partis politiques, la société civile, nous aident aussi à encadrer ces élections. Mais s’agissant du financement, je ne suis pas du tout pessimiste, nous arriverons à boucler cela.

Du problème des sans-papiers burkinabè en France, après la signature des accords sur l’immigration.
La question de l’immigration est régie par une convention, mais le problème fait l’objet d’examen périodique dans le cadre de la commission mixte Burkina-France. Cette commission s’est réunie. Il reste à résoudre la question des sans-papiers. Je crois savoir qu’il y a une quarantaine de burkinabè qui avaient des problèmes de papier, mais on a pu résoudre une vingtaine de cas. Cette question va être discutée avec les autorités françaises pour voir dans quelle mesure résoudre du problème.
La question de l’immigration est bien suivie. La convention précise le quota de burkinabè que la France peut recevoir. Nous sommes tous tombés d’accord et c’est dans ce cadre que nous demandons aux français de régler ces demandes résiduelles de visa.

L’accord ne défavorise-t-il pas les burkinabè par rapport aux autres ressortissants africains ?
Je ne pense pas, c’est un accord-cadre proposé aux pays africains selon les besoins de la France aussi. Cet accord est valable pour les pays qui ont des accords sur l’immigration avec la France. Chaque pays en fonction de ses besoins discute avec la France pour avoir un quota précis. On ne peut donc pas dire que le Burkina est lésé, nous veillons quand même au grain.

Un dernier message

Notre visite vient nous donner encore la confirmation que le Burkina Faso est un pays considéré par nos partenaires de façon générale et la France en particulier. Le président français a eu l’occasion de me le dire, et je sais par expérience qu’avec les autorités françaises, depuis que nous sommes dans la transition, nous avons eu suffisamment de soutien. Je sais véritablement que le Burkina compte sur l’échiquier international.

S’agissant de la transition, les autorités françaises ont compris et apportent leurs soutiens au processus. Je demande aux burkinabè de rester confiants, de faire en sorte que ce pays qui est le nôtre et pour lequel nous travaillons tous, puisse garder cette considération que l’extérieur nous voue. C’est une valeur qui est éminemment supérieure à toute autre valeur.

Propos recueillis par Tiga Cheick Sawadogo
Ouagadougou-Paris-Ouagadougou
Lefaso.net