La participation des déplacés internes au scrutin du 22 novembre prochain demeure un souci pour plus d’un. Même s’ils rêvent de rentrer chez eux, de manger à leur faim et de trouver du boulot, ils veulent aussi exercer leur droit de vote. Certains d’entre eux qui vivent sur le site de Boussouma à l’entrée de la ville de Kaya prétendent avoir tout fait pour s’enrôler, afin de voter. Mais n’ayant pas d’acte de naissance ou de carte nationale d’identité, ils ont dû abandonner leur droit au vote. D’autres par contre, ont pu faire leur transfert à Kaya et d’autres villes de la région du centre-nord.
Zoré Moussa était un conseiller municipal à Pensa avant de devenir un déplacé interne à Kaya. Il se rappelle qu’en 2016, il avait sillonné les villages environnants pour inciter les gens à le voter. Ce temps est révolu. Il a fui Pensa en Février 2019 pour avoir la vie sauve. En juillet 2020, le maire de Pensa était assassiné. C’est comme si Moussa l’avait échappé belle. A présent, il passe son temps comme la majorité des hommes sur le site, à observer les véhicules qui passent à longueur de journée. « Je suis étranger ici, personne ne me connaît. Il m’est donc difficile de faire de la politique » dit-il non sans humour. Les femmes font les corvées et la plus dure reste le transport de l’eau sur leurs têtes depuis une fontaine assez éloignée du site.
A voir les conditions de vie difficiles des 9046 déplacés internes de ce site d’accueil à Boussouma, on croirait que la chose politique ne les intéresse plus. Pourtant, beaucoup se sont battus pour établir des pièces d’identité à Kaya et même à Ouagadougou. « 27 de nos femmes sont parties à Ouagadougou depuis quelques jours pour se faire des pièces d’identité. Elles ne sont toujours pas de retour » explique Hamado Bargo, qui n’a ni pièce d’identité ni carte d’électeur. A Kaya, des ONG ont établi des cartes d’identité et des actes de naissance à des déplacés. Si certains n’ont pas de document d’identité, c’est parce qu’ils n’ont pas l’information ou qu’ils sont de nouveaux arrivants justifiera Amidou Sawadogo, le président de la CEPI (Commission Electorale Provinciale Indépendante) de Kaya. Ce dernier estime qu’un grand nombre de déplacés a pu établir des actes de naissance et des pièces d’identité. « L’action sociale sera à même de vous fournir les chiffres exacts de ceux qui ont pu avoir les documents officiels ici à Kaya » préconisera le président.
Le manque de documents d’identité a été un frein à l’enrôlement des déplacés internes qui manifestement désirent exercer leur droit de vote. Le président de la CEPI remonte dix ans en arrière pour expliquer la situation actuelle. « Un établissement massif de CNIB a eu lieu en 2010. Ces cartes s’expirent dix ans après, c’est-à-dire en 2020. C’est une année qui coïncide avec la révision des listes électorales. Ce qui complique davantage la situation avec le déplacement involontaire de citoyens à Kaya. Pendant l’enrôlement, le seul document qu’il faut, c’est la CNIB ». D’où ce remue-ménage pour se faire une carte d’identité.
Les plus chanceux ont rempli des fiches de transfert qui leur permettront de voter sur place à Kaya, Barsalogho, Pissila, Boussouma, Ziga ou encore Korsimoro et Dablo. A Kaya par exemple, la CEPI dénombre 64.000 inscrits sur la liste électorale. En 2015, ils étaient 50.000 inscrits, ce qui donne un flux de 14.000 nouveaux inscrits dû certainement au transfert des déplacés internes poursuit le président Amidou Sawadogo.
Le scrutin, c’est dans 4 jours. Certains déplacés de Boussouma voteront, d’autres pas. Leur vœu cher, c’est le retour de la sécurité afin de regagner leurs villages respectifs dans le département de Pensa. « Ici, nous dormons à même le sol et c’est inconfortable. Les bâches que nous avons laissées aux femmes, dégagent une forte chaleur. Nous voulons retourner chez nous » confie le sexagénaire Hamado Pafadnam qui se remémore les proches qu’il a perdu à cause du terrorisme.
En attendant, les déplacés de Boussouma tentent tant bien que mal de trouver de quoi faire. Le jeune Issa Bikienga parvient à avoir de petits boulots comme le désherbage des cours de la cité des forces vives ou le ramassage de terre pour damer des maisons. Ce qui lui rapporte entre 1000 et 2000F. Quant à Ousséni Sana, il a fait la récolte dans un champ pendant dix jours avec trois autres personnes. Ce qui leur a rapporté 20.000FCFA. « C’est mieux que de rester là, à se tourner les pouces » conclut-il.
Marie Laurentine Bayala