Le 03 mars 2016, la brigade territoriale de gendarmerie de Diapaga déférait devant le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance de ladite ville un élève, présumé auteur de faits de viol commis sur une fille âgée de seize ans environ.

Le Procureur du Faso ayant saisi le juge d’instruction d’un réquisitoire introductif aux fins d’informer, ce dernier décidait, après l’interrogatoire de première comparution faite le 07 mars 2016, de décerner un mandat de dépôt contre le mis en cause en attendant la suite de la procédure.

Le même jour, des élèves de Diapaga décidaient d’exiger la libération du mis en cause. Après s’être rendus au Haut-Commissariat à cette fin, ils continuaient au Palais de justice de Diapaga où une délégation était reçue par le Procureur du Faso.

Celui-ci, au regard de la situation, s’entretenait avec eux, les renseignait sur les motifs et les contours de la procédure, et leur signifiait l’impossibilité à pouvoir accéder à leur requête.

N’ayant pas obtenu gain de cause et en dépit des explications à eux fournies, les élèves décidaient d’user de violences pour obtenir la libération du mis en cause. C’est ainsi qu’après avoir dégradé certaines parties des locaux du palais, ils se rendaient à la maison d’arrêt et de correction de Diapaga, en ayant pris en passant la mère de la victime en otage que certains suggéraient de violer également si elle ne retirait pas sa plainte.

C’est dans ces circonstances que pour une situation qui était prévisible pour avoir commencé depuis 8h courant, les agents de cette maison d’arrêt et de correction devaient se retrouver seuls à défendre à partir de 11h courant leurs locaux contre les élèves sans pouvoir bénéficier à temps d’un renfort extérieur. Cette tâche était rendue d’autant plus difficile que la maison d’arrêt de Diapaga n’est pas aujourd’hui entièrement clôturée et n’a pas de portail, ce qui est inconcevable si on veut respecter le minimum de normes prévues pour un tel établissement.

Les éléments de la garde de sécurité pénitentiaire n’ayant pas voulu faire de victimes parmi les élèves avec les armes qu’ils avaient pour se protéger et protéger les locaux -ce qui est louable-, c’est eux qui devaient finalement en souffrir.

Le bilan provisoire de ces violences se résume ainsi qu’il suit :

  • dix blessés parmi les gardes de sécurité pénitentiaire dont un grièvement ;
  • des dégâts matériels au palais ;
  • des dégâts matériels à la maison d’arrêt et de correction

Cette situation, de par sa nature et la manière approximative dont elle a été gérée, oblige à un certain nombre de questions :

1)- Pourquoi en dépit de la gravité de la situation, il n’y a eu aucune réaction publique du pouvoir politique, notamment du ministre de tutelle ? Le silence serait-il une caution morale ? Le même silence serait-il de mise s’il y avait eu des victimes du côté des élèves ? La banalisation de la vie des acteurs judiciaires de la part même des autorités de tutelle ne peut se supporter ;

2)- Pourquoi la garde de sécurité pénitentiaire n’a-t-elle pas pu bénéficier à temps d’un renfort extérieur ?

3) Quel est le type de société dans laquelle nous voulons vivre ? Si on fait « courageusement » le choix d’une  société  dans laquelle l’élève bénéficiera d’une immunité quel que soit ce qui peut lui être reproché, les acteurs judiciaires dont les représentants soussignés s’inclineront devant ce choix. Si on s’interdit un tel choix et que dans les faits, les acteurs judiciaires doivent, à l’occasion de faits à eux souvent déférés concernant des élèves, se retrouver chaque fois sérieusement exposés sans réaction responsable du pouvoir politique, leur en voudra-t-on de devoir renvoyer entre temps au même pouvoir politique toutes les affaires impliquant un élève ?

Face à ces évènements, aux menaces graves pour la vie des acteurs judiciaires exerçant à Diapaga, au louvoiement et au manque de courage du pouvoir politique et qui rappellent de nombreuses situations similaires déjà vécues, les syndicats de magistrats, de greffiers et de la garde de sécurité pénitentiaire, réunis ce jour 11 mars 2016 :

  • Condamnent sans réserve les violences inqualifiables perpétrées le 07 mars 2016 contre les personnels et les locaux judiciaires et pénitentiaire à Diapaga ;
  • Apporte leur total soutien aux victimes, blessés ainsi qu’à leurs familles ;
  • Prennent acte de l’absence de toute réaction publique du pouvoir politique, et notamment, des autorités de tutelle ;
  • Exigent des différentes hiérarchies des personnels judiciaires affectés par cette situation leur redéploiement immédiat dans d’autres juridictions et établissements pénitentiaires afin de garantir leur sécurité ainsi que celle de leurs familles et recréer à leur niveau les conditions psychologiques nécessaires au don de soi ;
  • Exigent une clarification de la situation dans tous ses aspects pour les éventuelles suites judiciaires ou administratives ;
  • Exigent des mesures de sécurité immédiates et sans délai pour toutes les enceintes judiciaires ;
  • Décrètent un arrêt de travail couvrant la journée du lundi 14 mars 2016 dans tous les palais de justice et établissements pénitentiaires du Burkina-Faso en signe de solidarité avec les acteurs judiciaires du palais de justice et de la maison d’arrêt et de correction de Diapaga.

Ouagadougou, le 11 mars 2016

Le Secrétaire Général du Syndicat des Magistrats Burkinabè (SMB)

 Christophe COMPAORE

Le Secrétaire Général du Syndicat Burkinabè des Magistrats (SBM)

Moriba TRAORE

Le Secrétaire Général du Syndicat Autonome des Magistrats du Burkina (SAMAB)

Antoine KABORE

Le Secrétaire Général du Syndicat National de la Garde de sécurité pénitentiaire (SYNAGSP)

Siaka BAYOULOU

Le Secrétaire Général du Syndicat des Greffiers du Burkina (SGB)

Abdoul-Aziz KAFANDO

Le Secrétaire Général du Syndicat National des Agents de la Justice (SYNAJ)

Adama NIKIEMA